HELPEN - ASSOCIATION RECONNUE D'INTERET GENERAL - LUTTE CONTRE LE HARCELEMENT MORAL ENTRE PERSONNELS DE L'EDUCATION NATIONALE

Visite ministérielle en Normandie : et le silence sur la souffrance des personnels ?

Demain, le ministre de l’Éducation nationale se rendra dans l’académie de Normandie pour évoquer le harcèlement scolaire. Mais dans son agenda officiel, rien n’est prévu sur la souffrance des personnels, pourtant en première ligne, souvent seuls face à des violences institutionnelles ou relationnelles.

11/5/20254 min read

Demain, le ministre de l’Éducation nationale se rendra dans l’académie de Normandie pour parler du harcèlement scolaire. Mais dans son agenda officiel, aucune mention de la souffrance des personnels, pourtant en première ligne et de plus en plus nombreux à s’effondrer sous le poids du silence institutionnel.

En 2024, une dizaine de suicides ont été recensés en sept mois dans la seule académie de Normandie. En appliquant une simple règle de trois sur le territoire national, cela ferait à peu près 300 suicides dans l'académie, sans compter, bien sûr, ceux qui ne sont jamais mentionnés nulle part. Comme le dit l'association Helpen persiste et signe : il y a plus d'un suicide par jour parmi les agents.

Derrière ces drames, comme le rappelle le Réseau Souffrance et Travail dans cet article , se cachent des histoires de détresse, d’isolement et d’épuisement. Des drames humains et institutionnels qui auraient pu être évités.

HELPEN, une voix pour alerter et agir

Face à cette tragédie silencieuse, HELPEN refuse la résignation.

Dès 2024, notre association a lancé plusieurs actions d’alerte et de sensibilisation en Normandie, afin de faire reconnaître la souffrance au travail dans l’Éducation nationale comme une urgence de santé publique.

En février puis dans les mois qui ont suivi, nous avons adressé plusieurs courriers aux autorités académiques, transmis des signalements documentés et recueilli des témoignages accablants de personnels harcelés ou en épuisement professionnel.

Malgré ces démarches, aucune réponse concrète n’a été apportée. Le silence administratif demeure une constante.

Mais nous avons choisi de ne pas baisser les bras. Il y a huit mois, Madame la Sénatrice Catherine Morin-Desailly a courageusement pris la parole pour dénoncer publiquement ces dix suicides en Normandie.

HELPEN a eu l’honneur d’organiser une rencontre en visioconférence avec la Sénatrice en février 2025, très à l’écoute de nos constats et de nos propositions concrètes, qu’elle a accepté de transmettre à Madame la Ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne.

Dans les semaines qui ont suivi, la ministre de l'éducation nationale a opéré un habile jeux de chaises musicales pour déplacer tous les recteurs, et a attendu quelques mois avant de placer l'ancienne rectrice de Normandie à de hautes fonctions à la tête de l'IGESR en toute discrétion, certainement en remerciement de ses bons et loyaux services.

Une inaction institutionnelle persistante

L’inaction des autorités académiques est une constante dans les témoignages que nous recevons. Le silence, l’abandon des personnels en détresse et l’absence de transparence aggravent le mal-être et détruisent des vies.

Nous avons également identifié d’autres académies touchées, notamment Metz-Nancy, où au moins quatre suicides ont eu lieu en trois mois. Deux agents qui se suicident en octobre 2025 à quelques heures d'intervalle au lycée Pothier d'Orléans, sans aucune médiatisation, sans aucune communication.

Partout, le même schéma : absence d’enquêtes, opacité totale et déni institutionnel. Il est urgent que des enquêtes indépendantes soient menées et que leurs conclusions soient rendues publiques.

Aujourd’hui, aucune donnée fiable n’existe sur :

  • le nombre de suicides liés au travail,

  • les démissions,

  • les reconnaissances (ou refus) de maladies professionnelles,

  • les demandes de protection fonctionnelle dans les cas de harcèlement moral.

Le Ministère refuse de publier ces chiffres, pourtant essentiels pour prévenir d’autres drames.

Constats alarmants

HELPEN a recueilli de nombreux témoignages montrant les dysfonctionnements systémiques dans la gestion des risques psychosociaux :

  • Les Registres Santé et Sécurité au Travail (RSST) sont souvent ignorés, laissés sans réponse ou traités de façon superficielle.

  • Les instances de dialogue social (CSE, CSA, F3SCT) n’ont aucun pouvoir réel et se heurtent à l’inertie des rectorats.

  • Les médecins de prévention sont absents ou inaccessibles.

Des personnels en souffrance alertent, mais rien n’est fait. Une enseignante harcelée par sa direction a dû quitter son poste, faute de réponse à son signalement. Un professeur victime d’un harcèlement collectif a été laissé sans soutien jusqu’à un arrêt longue durée. Un autre agent, après plusieurs alertes ignorées, a tenté de mettre fin à ses jours.

Ces cas ne sont pas isolés, ils illustrent une défaillance systémique et une responsabilité institutionnelle claire.

Des propositions concrètes pour sortir de l’impasse

HELPEN refuse le fatalisme. Nous formulons des propositions précises et réalisables :

  1. Un traitement obligatoire et tracé des signalements via le RSST sous 30 jours, avec un contrôle extérieur.

  2. La création d’une cellule indépendante de signalement et d’enquête, totalement détachée des rectorats.

  3. Un numéro d’urgence national et un dispositif d’écoute 24h/24 pour les personnels en détresse.

  4. La reconnaissance du harcèlement institutionnel comme circonstance aggravante dans le droit pénal.

  5. Le déplacement systématique du harceleur, et non du harcelé.

  6. Une formation obligatoire des cadres de l’Éducation nationale à la prévention du harcèlement et des risques psychosociaux.

  7. Une campagne nationale de sensibilisation pour briser l’omerta sur la souffrance au travail.

Conclusion : briser le silence, protéger les vies

Madame la Sénatrice Morin-Desailly a eu le courage de briser le silence. Nous espérons que son engagement ouvrira la voie à une prise de conscience politique et à des réformes structurelles.

HELPEN reste mobilisée pour soutenir les personnels et fournir aux autorités des données, des analyses et des témoignages concrets.

Depuis notre création, nous avons recueilli une cinquantaine de témoignages de personnels normands, illustrant la gravité et la répétition des situations. Et des agents susceptibles d'être coupable de harcèlement moral, promus. Toujours ce même schéma.

L’inaction actuelle coûte des vies. Nous devons agir avant un nouveau drame. Parce que la honte du harcèlement doit changer de camp. Parce que la protection des élèves passe par celle des adultes qui les accompagnent.

Ainsi, la société retrouvera sa dignité, et la violence systémique qui s’installe dans nos institutions pourra être combattue avec courage et cohérence.

HELPEN, association reconnue d’intérêt général