HELPEN - ASSOCIATION RECONNUE D'INTERET GENERAL - LUTTE CONTRE LE HARCELEMENT MORAL ENTRE PERSONNELS DE L'EDUCATION NATIONALE

Harcèlement moral à l’école, 1er septembre 2025 : deux visages d'un même désastre

Le 1er septembre a montré les deux visages d’un même désastre : une enseignante réduite à se priver de nourriture pour être entendue, une directrice poussée au silence définitif. Ce jour-là, l’Éducation nationale a connu une victoire amère et une défaite irréparable. Aux responsables politiques désormais de choisir s’ils veulent continuer à détourner les yeux, ou enfin affronter la réalité.

Helpen

9/5/20253 min read

Harcèlement moral à l’école : quand l’institution détourne le regard

Une grève de la faim pour être entendue

Le 1er septembre 2025, deux histoires se sont entrecroisées dans l’Éducation nationale et dessinent un tableau saisissant de la violence institutionnelle. À Aix-en-Provence, Marie-Pierre Jacquard, enseignante et lanceuse d’alerte, a entamé une grève de la faim devant le rectorat. Quatre jours durant, elle a résisté au vide des portes closes, à l’absence de dialogue, au refus d’écoute. Son corps est devenu le dernier recours pour être entendue. Ce n’est qu’au quatrième jour que le rectorat a consenti à reconnaître sa longue maladie, après des mois d’attente et de mépris. Une victoire obtenue au prix fort, qui en dit long sur le chemin qu’il faut parcourir pour obtenir une simple reconnaissance.

Une directrice d’école poussée au silence définitif

Le même jour, à plusieurs centaines de kilomètres de là, Caroline, directrice d’école dans le Cantal, s’est donné la mort. Victime d’insultes homophobes et de menaces de mort, isolée par une hiérarchie qui n’a pas su – ou voulu – la protéger, elle a mis fin à ses jours. Caroline n’avait déjà pas pu faire sa rentrée en 2024. Elle n’a pas fait celle de 2025. Elle n’en fera plus. Entre l’enseignante contrainte d’affamer son corps pour arracher un droit et la directrice qui n’a trouvé d’issue que dans la mort, c’est une même réalité qui apparaît : l’incapacité de l’institution scolaire à protéger celles et ceux qui travaillent en son sein.

Des chiffres glaçants que l’institution cache

Les chiffres confirment cette réalité que l’administration se refuse à regarder en face. La France détient, selon les enquêtes européennes, le taux le plus élevé de harcèlement moral au travail : 13,7 % des salariés déclarent y avoir été exposés. Dans l’Éducation nationale, cela représente près de 180 000 personnes pour la seule année 2024-2025, soit l’équivalent de la population d’une ville comme Reims ou Toulon. Pourtant, aucun rapport du ministère, aucune publication officielle ne mentionne cette hécatombe silencieuse. Le harcèlement reste un tabou institutionnel. Il ne figure pas dans les bilans internes, pas davantage dans les rapports du Médiateur. Tout se passe comme si l’ampleur du phénomène devait rester invisible.

La recherche scientifique, elle, ne laisse pas de doute sur les conséquences. Les travaux internationaux montrent que les personnes harcelées au travail présentent deux fois plus de risques d’avoir des idées suicidaires et presque trois fois plus de risques de passer à l’acte. En France, rapporté aux 1,21 million de personnels de l’Éducation nationale, cela signifie que plus de 50 000 agents développent chaque année des pensées suicidaires, et plus de 6 000 font une tentative. Selon les estimations disponibles, près d’un dixième de ces cas est directement attribuable au harcèlement, soit environ 4 300 idées suicidaires et jusqu’à 800 tentatives chaque année. Depuis quinze ans, l’association HELPEN estime que près de 3 000 enseignants se sont suicidés, soit l’équivalent d’un décès par jour.

Le tabou institutionnel et le poids du silence

Ce qui se joue derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées, des familles en deuil, des classes laissées orphelines. Mais c’est aussi le silence qui frappe, un silence qui résonne comme une violence en soi. Les témoins eux-mêmes, souvent paralysés par la peur de représailles, se taisent. Une étude internationale montre que 42 % des salariés ont été confrontés à une situation de harcèlement au cours de l’année écoulée et que, dans plus des trois quarts des cas, ils n’ont rien dit. Dans l’Éducation nationale, ce silence est institutionnalisé : les victimes redoutent d’être déplacées, sanctionnées ou mises au placard.

Responsabilités politiques : l’heure des comptes

La situation ne peut plus être reléguée au rang des faits divers tragiques. Elle pose une question politique majeure : jusqu’à quand l’État va-t-il détourner le regard ?

Madame la ministre de l’Éducation nationale, Madame Élisabeth Borne, et vous, députés de la Nation, combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant d’agir ? Combien de grèves de la faim, combien de suicides, combien de familles brisées pour que la protection des enseignants devienne une priorité nationale ?

Il ne suffit plus de promettre des cellules d’écoute ou des protocoles de prévention. Ce qu’il faut, ce sont des dispositifs contraignants, des chiffres officiels rendus publics, une véritable protection des lanceurs d’alerte, et des moyens humains pour briser l’omerta.

Le 1er septembre a montré les deux visages d’un même désastre : une enseignante réduite à se priver de nourriture pour être entendue, une directrice poussée au silence définitif. Ce jour-là, l’Éducation nationale a connu une victoire amère et une défaite irréparable. Aux responsables politiques désormais de choisir s’ils veulent continuer à détourner les yeux, ou enfin affronter la réalité.