HELPEN - ASSOCIATION RECONNUE D'INTERET GENERAL - LUTTE CONTRE LE HARCELEMENT MORAL ENTRE PERSONNELS DE L'EDUCATION NATIONALE

Visio-conférence du 17 février 2025 avec la sénatrice Catherine MORIN-DESAILLY

Suite aux dix suicides de personnels de l'Education nationale dans l'académie de Normandie, nous avons contacté la sénatrice Catherine MORIN-DESAILLY et la rectrice de Normandie GAVINI-CHEVET. Seule la première nous a répondu. Nous avons eu l'opportunité de lui transmettre et expliquer nos propositions à l'attention de la Ministre de l'Education nationale, qu'elle a accepté de lui transmettre.

ENTRETIENSACTION

Helpen

2/27/20255 min read

Madame la Sénatrice MORIN-DESAILLY a courageusement pris la parole il y a trois semaines sur les dix suicides en un an dans l’Éducation nationale dans la seule académie de Normandie. Ces drames mettent en lumière, au moins dans un certain nombre de cas, un drame humain et institutionnel que peu d’élus osent dénoncer. Nous avons eu la chance d'organiser une rencontre en Visio-conférence avec Madame la Sénatrice, très à l'écoute de nos propositions concrètes, qu'elle aura l'opportunité de transmettre à Madame la Ministre de l'Education nationale Elisabeth BORNE.

L’inaction des autorités académiques est une constante dans les témoignages que nous recevons. Ce silence, cet abandon des personnels en détresse, est un facteur aggravant du mal-être des enseignants. Nous avons également identifié plusieurs autres académies touchées par des suicides, notamment celle de Metz-Nancy où au moins quatre suicides ont eu lieu.

Nous espérons que des enquêtes seront effectivement menées, et que les conclusions rendues publiques, ce qui n’est actuellement presque jamais le cas. Il faudrait de la transparence sur les données chiffrées, dont personne ne dispose puisque le Ministère refuse de les publier. Entre autres : suicides, démissions, octroi et refus d’octroi de maladies professionnelles dans les cas de harcèlement moral, et demandes d’octroi protections fonctionnelle dans les cas de harcèlement moral.

Constat de la situation actuelle – éléments complémentaires

Nous avons recueilli des témoignages accablants sur le traitement des alertes et signalements liés aux risques psychosociaux dans l’Éducation nationale.

Tout d’abord, les procédures de signalement ne fonctionnent pas. Les registres Santé et Sécurité au Travail (RSST) sont remplis par des personnels en détresse, mais laissés sans réponse ou traités de manière superficielle.

Les CSE/CSA/F3SCT (conseils sociaux et économiques ou administratifs, ANCIENS CHSCT), lorsqu’ils existent, n’ont aucun pouvoir contraignant. Les rectorats et DASEN opposent un silence systématique aux alertes.

Les recours à la médecine de prévention sont quasi inexistants, laissant les personnels vulnérables sans protection.

Nous avons des exemples concrets qui illustrent cette inaction. Une enseignante harcelée par sa direction a signalé sa souffrance via un RSST, mais n’a jamais obtenu de réponse. Finalement, elle a été contrainte de quitter son poste.

Un professeur victime d’un harcèlement collectif par ses collègues et sa hiérarchie a saisi l’administration, sans qu’aucune action ne soit entreprise. Il a fini en arrêt longue durée, totalement isolé.

Un autre cas concerne un agent qui avait tenté de mettre fin à ses jours après avoir alerté à plusieurs reprises sur ses conditions de travail. Aucune mesure préventive n’a été prise avant le drame.

Ces situations mettent en évidence une responsabilité institutionnelle claire. D’abord, l’omerta des rectorats, qui refusent de répondre aux associations, aux élus et aux médias. Ensuite, l’impunité des auteurs, en l’absence d’un cadre légal clair pour sanctionner le harcèlement institutionnel. Enfin, un État employeur défaillant, qui ne respecte pas les obligations du Code du travail et ne met en place aucun mécanisme de protection des salariés.

La demande de la FSU suite à l’alerte et à la réunion d’urgence ne suffit visiblement pas : « On lit ainsi : «Sans préjuger du lien avec le travail qu’a chacun de ces événements dramatiques, la FSU demande depuis des mois que les informations soient a minima transparentes, que des enquêtes soient menées pour faire la lumière sur les circonstances, que des mesures soient prises pour empêcher et prévenir ces actes suicidaires. Au contraire, ces drames sont tenus secrets, les enquêtes sont refusées et le rectorat s’obstine à ne pas vouloir réunir l’instance qui permettrait de prévenir les risques.» Auprès de CheckNews, Claire-Marie Féret, cosecrétaire académique du Snes-FSU Normandie, déplore «l’ouverture de deux enquêtes seulement sur neuf cas de suicides, de la part de l’administration. On comprend que d’après le rectorat, certains des cas n’ont pas de lien avec la sphère professionnelle. Nous, on estime que tant qu’il n’y a pas eu d’enquête, justement, on ne peut pas en être certain. Cependant, les syndicats n’assurent pas toujours le suivi des signalements RSST avec rigueur, et certains signalements ne sont simplement pas traités, parce que des pressions internes sont exercées, ou des phénomènes d’entente entre collègues ou relations perturbent le traitement. Enfin, des conflits d’intérêts peuvent aussi être en cause dans de nombreux cas. Ceci nous semble indiquer que toute enquête doit être faite par un organisme indépendant et extérieur.

Selon HELPEN, « Les fichiers RSST (Registre Santé et Sécurité au Travail) sont des documents obligatoires dans toutes les structures publiques, dont les établissements scolaires. En théorie, ils permettent aux agents de signaler des risques professionnels, des violences, ou des situations de harcèlement. Mais en pratique, ces registres sont souvent mis sous le tapis, traités avec négligence ou détournés pour éviter qu’ils ne nuisent à la réputation de l’établissement. »

Les propositions concrètes de HELPEN

Face à ces constats, nous proposons plusieurs mesures pour remédier à cette situation.

Premièrement, il est urgent d’établir des mécanismes de signalement et d’intervention efficaces. Toute alerte déposée via un RSST ou un signalement doit faire l’objet d’un traitement obligatoire sous trente jours, avec une traçabilité et un contrôle extérieur.

Un numéro d’urgence et un service d’assistance psychologique doivent être accessibles en continu pour les personnels en détresse.

Il est également nécessaire de créer une cellule indépendante de signalement, totalement détachée des rectorats, pour garantir une impartialité des enquêtes.

Deuxièmement, il faut réformer le droit pénal afin que le harcèlement moral en institution soit reconnu comme une circonstance aggravante.

Des sanctions disciplinaires et pénales doivent être prévues pour les responsables qui couvrent ou laissent se développer des situations de harcèlement. Tout agissement harcelant doit être automatiquement sanctionné par le déplacement du harceleur, pas du harcelé. Cette mesure serait immédiatement efficace et dissuasive.

Enfin, et c’est pour HELPEN un point essentiel, la prévention et la formation doivent être renforcées. La formation des cadres de l’Éducation nationale aux risques psychosociaux et à la prévention du harcèlement doit être obligatoire.

Une campagne nationale de sensibilisation doit être menée pour briser l’omerta sur la souffrance au travail dans l’Éducation nationale. Le harcèlement scolaire ne pourra pas être combattu tant que les adultes encadrant ces jeunes n’adoptent pas une attitude exemplaire, ne serait-ce qu’entre-eux.

Conclusion et appel à l’action

L’inaction actuelle coûte des vies et dégrade durablement l’image de l’Éducation nationale.

Madame la Sénatrice a eu le courage de briser le silence. Nous espérons qu’elle pourra interpeller officiellement le ministère et soutenir des initiatives législatives sur ce sujet.

HELPEN se tient à sa disposition pour lui fournir des dossiers concrets et des analyses sur les cas que nous traitons. Plusieurs personnes ont tenu à témoigner, sous couvert d’anonymat pour certaines d’entre elles. Nous avons établi une liste de dix témoignages anonymisés pour la seule région Normandie depuis la création de l’association en septembre 2024.

Nous devons exiger des actions immédiates, car attendre un énième drame n’est plus une option. Parce que la honte du harcèlement doit changer de camp, il faut que les adultes se comportent de façon exemplaire.

Ainsi, la société retrouvera sa dignité, et la violence systémique qui semble s’ancrer pourra être combattue avec plus de cohérence et d’efficacité.

HELPEN, association reconnue d’intérêt général

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