HELPEN - ASSOCIATION RECONNUE D'INTERET GENERAL - LUTTE CONTRE LE HARCELEMENT MORAL ENTRE PERSONNELS DE L'EDUCATION NATIONALE

Un Phare contre le #PasDeVagues... Sans lutte contre le harcèlement moral entre agents, il n’y aura pas de lutte durable contre le harcèlement scolaire

Le dispositif s’appelle PHARE : un mot qui évoque la lumière, la veille, la protection. Mais pour les adultes harcelés par des collègues et l'institution dans l’Education nationale, le risque est le naufrage dans cette ambiance d'abandon institutionnel et politique, ce jeudi 6 novembre. Car autour du harcèlement moral entre agents, il y a surtout une consigne implicite : #PasDeVagues. Ce ne sont pas des milliers de cas isolés, c'est un système de destruction, et une lâcheté collective à laquelle il faut mettre un terme. Ne pas combattre le harcèlement, c'est prendre le risque d'être responsable moralement et pénalement.

Helpen

11/6/20254 min read

Parler du harcèlement scolaire sans parler du harcèlement entre adultes dans l’Éducation nationale, c’est refuser de voir l’ensemble du problème. Merci à Caroline Beyer et le Figaro d'avoir enfin évoqué la souffrance des agents de l'Education nationale en cette journée de la lutte contre le harcèlement à l'école.

Depuis plusieurs années, la France se mobilise pour protéger les élèves victimes de violences psychologiques. Campagnes nationales, formations, dispositifs de signalement : tout semble converger vers un objectif louable. Pourtant, un angle mort demeure, celui du harcèlement moral entre agents, qui mine silencieusement l’institution de l’intérieur.

1. Une institution fragilisée par le déni

Le harcèlement moral entre personnels n’est pas marginal. Associations et syndicats évoquent plusieurs dizaines de milliers d’agents touchés chaque année. Selon certaines estimations, jusqu’à 150 000 agents vivraient une forme de maltraitance hiérarchique ou collégiale : humiliations répétées, isolement professionnel, placardisation, ou dénigrement.

Ces situations ne sont pas anecdotiques : elles sapent la cohésion d’équipe, détériorent la santé mentale et nourrissent un climat d’anxiété et de méfiance.

Le ministère reconnaît chaque année quelques centaines de cas à travers la protection fonctionnelle (1,4 million d’euros versés officiellement en 2024 pour l’ensemble des personnels), mais ce chiffre dérisoire masque l’ampleur réelle du phénomène. Derrière ces montants se cachent des carrières brisées, des arrêts maladie à répétition, des burn-out, et parfois des drames personnels.

2. Comment enseigner la bienveillance dans un climat de peur ?

Lutter contre le harcèlement scolaire suppose un corps enseignant serein, soutenu et cohérent. Or, un adulte victime ou témoin de harcèlement dans son établissement perd sa capacité d’agir éducativement.

  • Comment un enseignant humilié par sa hiérarchie peut-il sensibiliser ses élèves à la dignité et au respect ?

  • Comment une direction divisée ou violente peut-elle garantir un climat scolaire bienveillant ?

  • Comment les élèves peuvent-ils croire au discours institutionnel sur le « vivre ensemble » lorsqu’ils perçoivent entre adultes les mêmes logiques de domination et de peur que celles qu’on leur demande de combattre ?

Les élèves observent tout. Les conflits latents entre enseignants, les attitudes autoritaires, les silences coupables : autant de signaux contradictoires qui brouillent le message éducatif. On n’enseigne pas la bienveillance dans une culture de malveillance.

3. Le coût caché du silence institutionnel

Le harcèlement entre agents a un coût humain, mais aussi financier. Impossible à chiffrer s'il n'y a pas une culture de transparence.

Les évaluations croisées à partir des données européennes et nationales montrent que, pour l’Éducation nationale, le coût global annuel du harcèlement moral et du stress lié au travail pourrait atteindre entre 80 et 1200 millions d’euros, selon les méthodes de calcul.

Ces sommes incluent les arrêts maladie, le remplacement des personnels, la baisse de productivité, les frais juridiques et médicaux.

À cela s’ajouterait le coût invisible et inchiffrable du désengagement professionnel : moins d’innovation, moins de coopération, et plus de désillusion.

Tant que ces pertes resteront supportées sans remise en question du management et de la prévention, les campagnes contre le harcèlement scolaire ressembleront à des pansements sur une plaie institutionnelle profonde.

4. Le miroir des pratiques : culture hiérarchique et effets d’imitation

Le harcèlement est avant tout une culture relationnelle : celle du rapport de force, du silence et de la peur du signalement. Dans nombre d’établissements, les enseignants décrivent une hiérarchie verticale où la communication descendante prime sur la concertation.

Cette culture s’apprend, se reproduit, se transmet.

Les élèves, immergés dans ce climat, intériorisent le modèle : l’humiliation comme mode de pouvoir, la domination comme preuve de force, le silence comme survie.

On ne peut pas éduquer à la bienveillance dans un environnement autoritaire ou maltraitant. Les comportements des adultes deviennent des matrices comportementales pour les élèves. Les mêmes logiques (exclusion, moquerie, ostracisme) circulent, simplement transposées d’un étage à l’autre.

5. Une prévention cohérente, ou pas de prévention du tout

La cohérence doit devenir le principe directeur.

Former les élèves à la citoyenneté et au respect sans garantir aux enseignants un environnement professionnel sûr relève d'une hypocrisie institutionnelle.

La première prévention contre le harcèlement scolaire passe donc par la formation et la protection des adultes qui les encadrent, professeurs, personnels de direction, CPE, AESH, secrétaires, et tous autres personnels d'encadrement :

  • formation obligatoire à la gestion des conflits et aux risques psychosociaux pour tous les cadres ;

  • mise en place d’une cellule nationale d’écoute indépendante, accessible à tous les personnels ;

  • transparence sur les signalements et leurs suites ;

  • reconnaissance du harcèlement moral comme risque professionnel majeur.

Il ne s’agit pas de pointer du doigt des individus, mais de transformer une culture organisationnelle. Une école bienveillante commence par des équipes respectées.

Conclusion : guérir l’institution pour respecter l'Ecole

Le harcèlement scolaire n’est pas un phénomène isolé : il est le reflet d’une institution en souffrance.

Tant que le ministère refusera d’affronter la question du harcèlement moral entre agents, qu’il soit hiérarchique ou horizontal entre pairs, les efforts contre le harcèlement entre élèves resteront partiels, voire hypocrites.

Protéger les enfants suppose de protéger les adultes qui les éduquent.

On ne bâtit pas une école du respect sur des relations professionnelles marquées par la peur et la défiance. La lutte contre le harcèlement scolaire commence dans la salle des professeurs, dans les rectorats, dans l'administration et dans la volonté politique.