HELPEN - ASSOCIATION A BUT NON-LUCRATIF DE LUTTE CONTRE LE HARCELEMENT MORAL ENTRE PERSONNELS DE L'EDUCATION NATIONALE
Un cas concret de harcèlement moral, adapté d'un témoignage reçu par Helpen
Dans ce post, nous avons utilisé un témoignage qui nous a été transmis et l'avons anonymisé en accord avec la collègue qui nous a sollicité. L'affaire étant en cours (étapes 1 à 6), nous imaginons deux possibles issues (section 7), tout en laissant nos lecteurs conclure sur la réalité de sa situation, et des raisons qui la poussent à nous solliciter.
Helpen
11/19/20246 min read
Un cas concret de harcèlement moral entre collègues dans l’Éducation nationale : étapes détaillées adaptées du témoignage de notre collègue Mme D.
1. Contexte initial
Mme D., enseignante dans un lycée, intègre une nouvelle équipe pédagogique pour enseigner l’anglais. Dès son arrivée, elle remarque un accueil froid et distant de la part de M. X., un collègue expérimenté qui coordonne l’équipe. Celui-ci critique fréquemment, en salle des professeurs, les méthodes pédagogiques des nouveaux enseignants.
2. Premiers signes : micro-agressions et isolement
• Critiques répétées : M. X. commence à remettre en question publiquement les compétences de Mme D., qualifiant ses cours de “peu sérieux” devant d’autres collègues, en inventant des critiques d'élèves (méthodologie douteuse, savoirs, contenus de cours etc.)
• Refus de coopération : M. X. évite les échanges avec Mme D. lors des réunions et bloque ses propositions de projets communs, prétextant qu’elles “manquent de qualité”.
• Rumeurs : des collègues rapportent à Mme D. que M. X. répand des rumeurs sur elle, insinuant qu’elle n’est pas qualifiée pour son poste.
3. Escalade : harcèlement systématique
• Détournement d’information : Mme D. découvre qu’elle n’a pas été informée de changements importants dans l’emploi du temps ou des évaluations communes, ce qui entraîne des difficultés dans son organisation et des reproches injustifiés de la direction.
• Surveillance et signalements abusifs : M. X. commence à surveiller les cours de Mme D. et en informe la hiérarchie avec des rapports critiques, exagérant ou inventant des problèmes.
• Isolement progressif : D’autres collègues, influencés par M. X., commencent à éviter Mme D., la laissant seule lors des réunions ou des activités pédagogiques.
4. Conséquences sur la victime
• Impact psychologique : Mme D. développe un stress chronique, des troubles du sommeil et une perte de confiance en elle. Elle consulte un médecin et obtient un arrêt de travail temporaire. Ces arrêts sont utilisés par M. X pour la discréditer davantage (il la qualifie publiquement de "fainéante" qui profite d'arrêts de complaisance, qui "ne fait pas ses cours")
• Signalement initial : Mme D. alerte la direction du lycée par écrit, décrivant les comportements de M. X., mais ne reçoit qu’une réponse formelle lui conseillant de “favoriser le dialogue” et de se remettre en question en critiquant son aptitude à travailler en équipe.
5. Intervention institutionnelle (ou absence de celle-ci)
• Demande d’enquête : Après plusieurs signalements, Mme D. adresse une plainte officielle au rectorat et contacte la médecine du travail. Une conseillère psychologue est certes à l'écoute, mais ne peut que confirmer son impuissance à faire remonter le besoin d'une médiation et d'une enquête administrative.
• Médiation insuffisante : Une médiation est organisée, mais M. X. nie les faits et accuse à son tour Mme D. d’être “inapte au travail en équipe” et de "colporter des rumeurs auprès des élèves". Le ressenti de Mme D. est que cela ressemble davantage à un recadrage de celle qui devrait précisément être reconnue comme la victime de la situation !
• Manque de suivi : L’administration, sans preuves “objectives”, classe l’affaire sans suite, laissant Mme D. exposée à M. X., et à l'abandon des collègues, pour qui "il n'y a pas de fumée sans feu". Le responsable du service juridique de son syndicat lui conseille de "ne pas se battre contre des moulins" et lui demande si elle n'a pas eu déjà des soucis interpersonnels dans ses précédentes affectations.
6. Aggravation dramatique : escalade vers des conséquences irréversibles
Absence totale de soutien institutionnel et conséquences médicales graves
• Dégradation médicale :
Mme D., déjà en souffrance psychologique, développe des symptômes graves : crises d’angoisse, dépression majeure diagnostiquée par son médecin, troubles psychosomatiques (douleurs chroniques, épuisement) et PTSD. Elle est placée en arrêt longue durée par la médecine du travail, qui constate une inaptitude temporaire liée à un environnement professionnel toxique. Sa demande de CLM est transformée "malencontreusement" par le rectorat en CLD, ce qui lui aurait fait perdre son poste au bout de un an si elle n'avait pas réalisé cette grossière mais malheureusement courante manipulation du responsable des affaires financières du rectorat, selon des témoignages d'autres professeurs dépendant de ce rectorat. L'ISST (inspecteur santé et sécurité au travail) ne répond à aucun courriel, ni à aucun courrier.
• Abandon hiérarchique :
Malgré des alertes répétées au chef d’établissement et au rectorat, aucune mesure de protection n’est prise. Pire, le chef d’établissement minimise la situation, accusant implicitement Mme D. de “manque d’adaptabilité”. La hiérarchie évoque un “conflit interpersonnel” et refuse d’intervenir, arguant d’un “manque de preuves tangibles”.
• Ostracisme des collègues :
Sous l’influence de M. X., les collègues de Mme D. cessent de lui adresser la parole. Les réunions pédagogiques se déroulent sans qu’elle soit invitée, et elle est exclue de tous les projets collectifs. Elle subit un isolement total, des silences et des regards méprisants en salle des professeurs. Pour finir d'achever Mme D. et moquer sa plainte pénale rendue publique par les indiscrétions du secrétaire, la responsable de l'Amicale de la cité scolaire envoie un courriel à tous les personnels qui finit par : "je ne vous fais pas la bise, on va m'accuser de harcèlement".
• Menaces couvertes :
M. X., profitant de la passivité de la hiérarchie, accentue la pression. Il glisse des sous-entendus menaçants lors de rares échanges (“Vous savez, ici, tout finit toujours par se savoir…”). Un secrétaire, proche de M. X., lui fait également comprendre qu’elle devrait “faire attention” si elle ne veut pas empirer sa situation et lui demande comment elle va tenir financièrement si elle persiste.
• Plainte pénale sans effet, pendant des années :
Mme D., désespérée, dépose une plainte pour harcèlement moral contre M. X. Cependant, la procédure est lente et peu efficace :
• L’enquête reste au point mort, les témoignages des collègues, influencés ou apeurés, ne corroborent pas ses accusations. Certains la menacent à mots couverts : "n'attire pas l'attention sur notre établissement en salissant sa réputation".
• La plainte est classée sans suite après deux ans d'inaction, prétendument faute de preuves “suffisantes”.
• Conséquences personnelles irréparables :
Face à cette absence de soutien, Mme D. envisage de quitter définitivement son poste et même l’Éducation nationale, malgré les sacrifices investis dans sa carrière. Elle vit dans une angoisse permanente et craint pour son avenir professionnel.
• Une tentative de reclassement est refusée par la hiérarchie, qui prétexte un manque de postes adaptés.
• Ses économies s’épuisent dans des consultations médicales et un soutien juridique.
• Les séquelles psychologiques s’aggravent, la rendant incapable d’envisager un retour dans un cadre professionnel similaire.
• Silence institutionnel :
Le rectorat et la hiérarchie s’enferment dans une posture défensive, arguant de la complexité du dossier. Plus personne ne lui répond, ses demandes se "perdent" des mois dans les méandres de l'administration. Aucune mesure disciplinaire n’est prise contre M. X., qui continue son activité en étant placé dans un lycée prestigieux, devient membre du jury d'un concours de recrutement de professeurs, et est rapidement promu (échelon, grade puis corps), renforçant un sentiment d’impunité.
7. Fin possible : deux scénarios
• Scénario négatif : Faute de protection ou d’action, Mme D. demande une mutation ou quitte l’Éducation nationale, marquée psychologiquement. M. X. continue son comportement avec d’autres collègues dans son nouvel établissement, sous le silence coupable de représentants du personnel qui savent pourtant tout des agissements passés de M. X.dans les établissements précédents depuis plus de dix ans, mais n'informent ni n'avertissent pas les nouvelles victimes, laissées sans défense.
• Scénario positif : Mme D., soutenue par une association de bénévoles et un avocat, fournit des preuves solides (témoignages écrits des collègues d'établissements précédents, mails, rapports médicaux). Le rectorat, après enquête approfondie, sanctionne M. X. par un blâme ou une mutation disciplinaire. S'ensuit un procès au pénal pour harcèlement moral, huit ans après les premiers agissements harcelants.